mercredi 8 avril 2009

La flèche brisée



1950

Titre original : Broken arrow
Titre francophone : La flèche brisée

Cinéaste : Delmer Daves
Comédiens : James Stewart - Debra Paget - Jeff Chandler - Basil Ruysdael

Vu en dvd

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D'abord deux éléments sont venus un peu perturber ma lecture du film. Le premier est d'ordre visuel, technique plutôt avec une édition dvd assez médiocre. Dès les premières images, le ciel bleu bave, les pixels s'accrochent, les contours rougissent ici ou là. A un moment donné, une plongée montre un jeune apache titubant sur un sol pierreux, les lignes dessinées rougissent, bleuissent, verdissent au choix, bref la désagréable sensation de voir trouble apparaît nettement (wouaf wouaf). On aurait dit un film 3-D, manque de bol, je n'avais pas les lunettes adéquates. On s'y habitue un peu à la longue, mais jamais au cœur du visionnage je n'ai pu apprécier à leur juste valeur les cadrages sublimes qui enferment personnages et paysages. Au contraire, ne pouvant qu'entr'apercevoir la lumineuse beauté il en résulte forcément une certaine frustration. Triste.

L'autre élément perturbateur est la lecture de critiques et avis sur le film et son auteur. Les discours plutôt laudateurs ont fini par susciter en moi une attente démesurée. J'évite au possible de les lire avant d'avoir vu moi même le film et pu former un jugement personnel. Or, ici j'ai connement dérogé à la règle. Mal m'en a à nouveau pris. Décidément, ça ne me réussira jamais. J'avais lu ici ou là que Daves était aussi bon, voire meilleur que Mann, que je ne suis pas loin d'aduler. Aussi l'attente qui s'est formée ne m'a satisfait qu'en partie. Evidemment. Les yeux plus gros que le ventre, l'alligator!

Pendant la plus grande partie du film, hormis quelques scènes superbement écrites, j'ai eu la désagréable sensation que le film se déroulait de manière bien trop ordinaire, hagiographique et linéaire, sans réelle surprise, ni enjeux (c'est fort de cawa avec un sujet pareil!) mais surtout sans une implication des personnages au delà de l'image conventionnelle qu'ils véhiculent plus ou moins. Compliqué. Cela demande une petite explicitation.

Donc, je veux dire par là que les personnages de Jeffords (Stewart) et Cochise (Chandler) m'ont paru d'une intégrité et d'une probité presque surnaturelle et que leur parcours se donnait des airs presque bibliques. Du reste une autre scène avec le militaire chrétien peut appuyer cette idée. Ainsi, ai-je eu un peu l'impression, tant ils étaient des héros extrêmement moraux et intransigeants à cet égard dans leurs comportements, que leurs personnalités manquaient de vérité, de cette force qui naît de l'authenticité, qu'ils étaient plus mus par une image héroïque sur laquelle le scénario insiste beaucoup trop à mon goût, et non par une nécessité, inscrite dans le corps, quelque chose d'incarné, de vital, d'orienté par l'évidence, ce qu'on peut appeler le bon sens. Seules quelques scènes le montrent très bien, par exemple la confrontation de Stewart avec ses congénères. On voit très bien dans le regard de Stewart que ce fameux bon sens est mis à rude épreuve. Il est tout simplement ahuri devant la bêtise et les amalgames proclamés en vérités indiscutables par les abrutis qu'il a en face de lui. Il est hébété et dit même : "Que puis-je dire?" Oui, que peut-il dire devant tant de mauvaise foi, d'aveuglement... de connerie tout simplement? La scène de lynchage est superbement filmée dans une sorte de crise paroxystique amenée par tout le discours obtus et mécanique du racisme, également paranoïaque, cette recherche affolée d'un bouc émissaire, d'un traître, d'un espion. Je pense bien entendu au maccarthysme, même si je ne connais pas la position de Daves là-dessus. Les scénaristes et Daves à plusieurs reprises décrivent parfaitement ces processus d'ostracisme, de l'amalgame qui amène les hommes à se détester de manière irrationnelle, à ne pas pouvoir s'accepter. C'est merveilleusement écrit.

Mis à part ces scènes de confrontation, le film montre un peu trop, peut-être de manière didactique, que les Apaches ne sont pas différents des européens, qu'il y a des cons partout. Se faisant, le film oublie un peu l'incarnation et les enjeux personnels de ses personnages. Voilà j'espère avoir été clair.

Les dernières dix minutes, amenant un événement considérable, douloureux pour ne pas dire déchirant, finissent d'emporter mon adhésion. Les personnages retrouvent leur place et souffrent encore plus cruellement, dans leur chair et dans leur âme de ce racisme et de cette peur de l'autre. Stewart emporte avec lui les traces de l'affrontement avec la bêtise humaine. Plus de doute, le film s'élève, très haut. La prochaine fois que je verrai ce film, que je trouve très bon, il se peut que je le trouve alors génial.

Je retiens les magnifiques paysages d'Arizona, une énième époustouflante prestation de sieur Jimmy Stewart, le sourire de Debra Paget, les confrontations raison/passion, les bisous au bord de la rivière avec la montagne en témoin, le parti pris de montrer que les bons et méchants n'ont pas de nationalité et qu'il est plus facile de détruire que de bâtir.

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