mardi 31 août 2010

On a retrouvé la septième compagnie



1975
alias : On a retrouvé la 7ème compagnie
alias : The seventh company has been found

Cinéaste: Robert Lamoureux
Comédiens: Pierre Mondy - Jean Lefebvre - Henri Guybet - Pierre Tornade

Notice Imdb

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Lien vers Mais où est donc passée la 7e compagnie?
Lien vers La 7e compagnie au clair de lune


Effectivement, on la retrouve, presque là où on l'avait laissée. A la fin du premier opus, les trois militaires sautaient sur la Normandie en juin 44. Devant l'extraordinaire succès du film, une suite a été conçue mais on préfère voir ce qu'il se passe juste après qu'ils aient libéré la 7e cie.

On retrouve donc la dépanneuse allemande sur les routes ensoleillées de l'été 40,

dans la continuité du premier épisode. Très rapidement, les trois héros vont être séparés du lieutenant Duvauchel (Erik Colin)

et entamer une sorte de périple homérique, tombant de Charybde en Scylla.

Ils s'évadent sous divers déguisements. Après la dépanneuse allemande, ils deviendront officier français mais sont arrêtés. Ils s'enfuient en side-car

avant d'être repris et s'échapper encore en infirmiers allemands

mais, repris à nouveau, ils s'échappent définitivement sur une locomotive à vapeur. Cette ritournelle forme l'ossature générale du film.

Même si elle permet à Lamoureux de retravailler sa problématique des barrières sociales, j'avoue que j'apprécie beaucoup moins ce deuxième film. J'ai cru comprendre que d'habitude, le 3e film était le plus décrié. Or, en ce qui me concerne, c'est bien celui-là que me dérange le plus. La partie dans le château, je le dis tout net, n'est pas loin de m'emmerder.

Je ne goûte que modérément l'astuce de l'évasion et toute cette histoire de matelas qui ne tient pas debout. L'humour de cet épisode est plus pauvre encore à mon sens. Ce qui fait le charme de la série, à savoir cette espèce de promenade presque bucolique et pleine d'insouciance est beaucoup moins prégnant ici. Certes, le film début par une balade aquatique de la plus belle eau

mais ce sont bien les seules minutes qui rappellent la randonnée de "Mais où est donc passée la 7e compagnie?". Par conséquent je serai sûrement moins loquace sur le sujet.

Le frein sur mon enthousiasme ne me fera pas oublier cependant les fondamentaux : les comédiens. Commençons par le nouveau venu, Henri Guybet,

qui remplace Maccione au pied levé. Venant du café-théâtre, le jeune Guybet change de famille, met les pantoufles de la génération de Lamoureux plus branquignole que bronzée. D'ailleurs, au début du film Robert Rollis fait une apparition.

Sans compter sur Pierre Tornade... Dans ce premier film pour lui, Guybet semble peu à l'aise, dans un rôle de crétin consommé, un peu effacé (Maccione l'était tout autant). Plus en vue dans la partie "ferme" et "château", partie la plus lourdingue, son personnage atteint des sommets d'invraisemblable bêtise. Difficile à avaler.

Ce reproche pourrait être fait à Jean Lefebvre également. Les deux pâtissent du ralentissement scénaristique et l'exagération démesurée de leur bêtise. Néanmoins, j'ai l'impression que Jean Lefebvre ne maitrise pas toujours ses mimiques.

Il n'y a qu'à la toute fin, quand son personnage s'inquiète du sort de ses camarades et que son visage laisse apparaitre une étonnante gravité que je le trouve à nouveau recommandable.

Le sergent chef -et temporairement "colonel"- Chaudard (Pierre Mondy) maintient son standing tout le long du film. Mon admiration ne plie pas, malgré le fait que je n'aime pas trop ce film. En chipotant, je peux trouver qu'il bénéficie de moins de scènes lui permettant de mettre en valeur ses qualités.

Dans la section "seconds rôles", trois acteurs retiennent toute mon attention : Pierre Tornade, Jean Rougerie et Hubert Deschamps.

Pierre Tornade m'avait fait une bonne impression dans le premier chapitre. Ici il profite pleinement des astucieuses séquences auxquelles le scénario le fait participer. Dans le précédent film, elles étaient finalement peu nombreuses. Ici son rôle s'étoffe : ses prises de parole pertinentes demeurent les seules remarquables intelligentes et sensées du film. Son personnage est l'un des rares militaires du film à échapper à la bêtise et l'inefficacité générale. Effectivement, Lamoureux profite du succès de la série pour affuter sa lame et lacérer un peu plus les costumes des hauts gradés. Les portraits qu'il fait de ces messieurs sont peu glorieux : arrogance, sénilité, exaltation ridicule, incompétence sont les traits les plus marquants qu'il met en évidence. Seuls Tornade ainsi que Gino da Ronch qui joue un jeune officier assez héroïque pour susciter une vive admiration de la part du sergent Chaudard

parviennent à s'extirper de cette fange. Dans une scène très étrange et qui en rappelle une presque aussi sombre du premier film, Pierre Tornade

laisse ses hommes sur le bord d'une route de campagne, emmené dans un camion allemand avec d'autres officiers. Son regard est perdu dans de tristes pensées. On y sent toute l'amertume d'avoir perdu la guerre, le lourd sentiment de culpabilité, celle d'être responsable de cette débâcle et surtout d'abandonner des hommes qui comptaient sur lui. Au milieu de cette comédie bête et gentille, surgit donc une scène presque mélodramatique, bref instant de mélancolie, surprenante respiration, n'est-ce pas? Dans "Mais où est donc passée la 7e cie?" on avait eu droit, au moment où Tornade comprenait que lui et ses hommes étaient capturés, à un très gros plan où ses yeux exprimaient à peu près la même désillusion. On peut s'interroger sur cette récurrence entre les deux films. Pourquoi Robert Lamoureux a-t-il tenu à filmer ces moments si maussades au sein de ces insouciances affichées? La blague de potache est-elle issue d'un réel traumatisme? Est-ce que derrière le rire se cache une vraie blessure, ce sentiment national bafoué ou une histoire plus personnelle? Quoiqu'il en soit, je pense que Pierre Tornade incarne le sérieux de la guerre, une sorte de virgule qui permet à Lamoureux de rester proche de la réalité sordide de la guerre afin de ne pas laisser le film lui échapper.

Un autre comédien que j'aime beaucoup est un de ces acteurs qui excellent à mettre en valeur leur physique peu commun. Jean Rougerie a une tête étrange, un regard à nulle autre pareille, difficilement descriptible, proche de l'animal mais l'on ne saurait dire lequel et puis surtout, il a une voix et une prononciation très particulière, trainante, sifflante, presque zozozante. Certes, dans ce rôle d'officier allemand, il ne s'exerce guère à nous faire la démonstration de son art déclamatoire. Il expulse l'air, il hurle, parle sec mai son air ahuri et froid fonctionne parfaitement pour le rôle.

J'ai beaucoup apprécié le trop court moment où Hubert Deschamps entre en scène. Acteur magnifique, plus proche de l'escargot que de l'être humain, capable pourtant de s'époumoner quand le temps est à l'orage, incarnation du calme avant la tempête.

Dans l'ensemble finalement la distribution digère difficilement ce que le scénario de Robert Lamoureux et Jean-Marie Poiré leur ont concocté. Pourtant Lamoureux n'invente rien par rapport au premier film mais disons que sa présentation est plus burlesque et surtout il insiste beaucoup sur la nullité de son trio. Et ce scénario manque d'aération. Il fait vraiment trop chaud dans ce château.


Sinon la confrontation des rôles sociaux forme à nouveau l'axe principal du film. Ceci dit, il l'aborde plus particulièrement dans ses aspects extérieurs, ces foutus signes d'appartenance qui cloisonnent les hommes dans des catégories sociales que la hiérarchie militaire reproduit à merveille. Ce qui se révèle intéressant encore, c'est moins l'injustice qui en découle que le parti pris déclaré des sans-grades à passer par dessus les codes. Les acceptent-ils pour mieux s'en défaite ou les contourner? Je ne sais pas trop au juste. Ce qui est certain c'est que le trio passe le film à changer de costumes pour travestir leurs identités.

Des trois d'ailleurs, Mondy

est celui qui se prend le plus volontiers au jeu, au point de trouver dans l'habit la force et l'autorité qui lui faisaient défaut mais encore plus le courage et l'honneur qu'il avait peut-être un peu oublié sous son petit grade. Les deux autres sont particulièrement choqués et inquiets de le voir aussi investi dans son nouvel uniforme de colonel.

La supercherie est trop grosse, le secret trop lourd et le fossé culturel et social trop large, alors la situation ne peut être que temporaire. Aussi sont-ils moins dupes. Mais les trois profitent de ces uniformes. Les conditions de détention sont bien supérieures pour les officiers : on a droit aux patates et au château tandis que les soldats mendient leur pain et doivent au mieux se contenter de paille en guise de couche. Cette différence de privilèges, les égards auxquels donnent droit les galons sont très bien soulignés au grand dam des simples soldats.

Et l'introduction de ces trois prolétaires dans le milieu bourgeois et aristocrate de l'armée offre un contraste saisissant qui semble bien faire rire Lamoureux. Pourtant, une scène laisse à penser que ce rire est jaune. Quand Tassin, équarrisseur dans le civil, justifie sa candidature pour aller chercher des vaches à la ferme du coin car il sait tuer les bêtes, la troupe d'officiers se prend d'un rire de moquerie, tribal en quelque sorte. Tassin et Pitivier regardent ces hommes avec ahurissement ne parvenant même pas à comprendre l'origine de ces rires puisque Tassin n'a proposé cela que d'une manière tout à fait naturelle et simple. Ils ne sont pas en mesure de comprendre cette expression collective de la condescendance la plus mesquine. Elle ne les atteint pas. Cette sorte d'innocence raffermit leur position d'enfants perdus dans un monde qu'ils ne maitrisent pas. Ce sont les officiers qui font la guerre, derrière les lignes. Ils ne subissent guère les mêmes conséquences que le menu peuple.


Le trio de losers apparait encore plus sympathique : Lamoureux caresse le peuple dans le sens du poil, l'affectif, l'amour-propre meurtri. Tout le film est un geste d'une très grande tendresse à leur égard, une parole douce et réconfortante, un peu comme ce que dit Jackie Sardou

en les voyant avec leurs nouveaux uniformes : "vous faites plus vrais qu'les vrais". C'est leur secret et le nôtre. Cette thématique est simple, voire simpliste mais elle est efficacement présentée. Et c'est vraiment dommage que la partie "château" marque un aussi grand déséquilibre et gâche un peu la balade, du moins en ce qui me concerne.

Et puis j'aurais vraiment aimé que les deux benêts ne soient pas dépeints aussi bêtement sur le milieu du film, ce qui les rend par trop irréels. Un absurde déraillant en somme.


Trombi:
Jacques Monod:

Robert Lamoureux:

Maurice Travail et Robert Dalban:

Bernard Dhéran:

René Bouloc:

Jean-Pierre Zola:

Nadia Barentin:

Bernard Charlan, Paul Bisciglia et François Cadet:

Suzanne Grey:

Bernard La Jarrige:

Paul Mercey:

Michel Modo:

Jean-Jacques Moreau:

?:

?

Daniel Breton: