jeudi 23 août 2012

Lola



1961

Cinéaste:Jacques Demy
Comédiens:Anouk Aimée -Jacques Harden -Alan Scott -Marc Michel

Notice Imdb

Vu en salle



Quelques souvenirs lointains de "Peau d’âne" et d'extraits de "demoiselles" ou de "parapluies" par-ci, par-là : voilà une connaissance bien fluette et parcellaire du cinéma de Jacques Demy. Aussi cette ressortie en salle, suite à la restauration du film, est-elle une occasion rêvée pour faire véritablement connaissance avec ce réalisateur. C'est en tout cas dans cet état d'esprit que je suis allé me réfugier dans la salle de l'Utopia de Montpellier (la canicule m'accule).

Et je crois bien que j'ai pris une claque. Je suis sorti abasourdi, ne sachant expliquer à ma femme tout ce qui se mélangeait dans ma tête, ces sensations, cette beauté, cette profondeur. Le sentiment général aurait pu être traduit par une phrase évoquant le trouble que l'on ressent devant une œuvre majeure pas digérée, trop grande pour soi. Il aurait été question de temps de réflexion, d'adaptation... je ne sais pas. Je crois que je lui ai bafouillé que j'étais sous le choc d'avoir vu un grand film sans savoir pourquoi encore.

Je suis entré dans le film avec beaucoup de facilité, tout de suite charmé par la thématique très "Nouvelle Vague" de l'ennui, de cette jeunesse qui s'emmerde, désœuvrée, sans ligne directrice bien établie. Cela correspond bien à cette France d'avant 68.

Pourtant un souffle de vie intense ne cesse d’ébouriffer le spectateur, pas uniquement grâce au personnage de Lola, très exubérante et prodigue en sourires, rires et joie communicatifs, mais bien par le ton que prend le film tout le long de son récit, un dynamisme, une ouverture vers les promesses du monde à portée de bateaux pour Amsterdam, Marseille, Johannesburg ou les îles lointaines. Le destin des personnages n'est pas fermé, toute sorte de solution s'offrant sans cesse avec une vivacité et une intensité qui transfigurent les aléas de la vie en autant de pages qui finissent toujours par se tourner.
La mélancolie, la tristesse de perdre un ami, un amour sont là bien présentes. Le désespoir de Lola, la peur d'oublier, la peur de rester seule ou celle de ne plus revoir un fils disparu ne sont pas réduits à d'innocents malentendus, ils expriment bel et bien des souffrances réelles et conscientes mais la foultitude d'opportunités et un indécrottable optimisme permettent aux personnages de tenir, d'attendre, de s'adapter, de trouver des échappatoires, en espérant que le destin devienne un peu plus clément. Lola fait un peu la pute avec Frankie qui lui rappelle son mari Michel, la mère de Michel peint des marines, Madame Desnoyers se laisse à envisager un nouvel amour, sa fille Cécile se découvre des sensations fortes à la fête foraine avec Frankie, chacun se démerde comme il peut pour que la vie lui sourit tout de même. Il est vrai qu'à l'époque on peut perdre son boulot et en avoir rien à foutre. Tranquille.
Jacques Demy pour mettre autant de vie utilise à la perfection le cinémascope avec le concours du chef opérateur Raoul Coutard. Je sais bien que ce terme de "perfection" peut apparaitre un brin galvaudé et utilisé à tort ou à travers mais ici, je suis très conscient du sens élevé que je donne au vocable. En effet, c'est peut-être même ce qui m'a le plus estomaqué, cette incroyable capacité à utiliser ce cadre, cet horizon. Surtout dans les intérieurs, Demy exploite à merveille toute l'étendue du cadre et parvient à faire bouger ses personnages dans cet espace restreint avec une délicatesse et peut-être même une certaine élégance qui laisse deviner son goût pour la chorégraphie.
A part un très court moment chanté, le film n'a rien à voir avec une comédie musicale, pourtant, de ces mouvements perpétuels auxquels se livrent les comédiens dans ce superbe cinémascope, semble se dessiner une farandole incessante, à la fois douce et sensuelle. Pas de doute, la vie insufflée vient de cette danse implicite. Magique.

Évidemment, il se dégage de cette mise en scène une grande force, comme si les comédiens n'étaient pas enfermés dans le cadre et pouvaient à tout instant se permettre d'élargir encore l'espace, d'en casser les limites. Leurs personnages en sortent grandioses, capables de briser les douleurs existentielles, de les apprivoiser, de les mater, comme on dompte des bêtes féroces, par la seule force de la volonté. Les personnages de Demy virevoltent entre bonheur et tristesse, entre euphorie et déprime, mais l'élan dans lequel ils sont tous pris est un courant tellement puissant qu'il parait impossible de les stopper. Rien n’apparaît vraiment grave. Avec la légèreté d'un pas de danse, pas pour oublier mais pour la beauté du geste et la paix de l'âme.

Au milieu de tous ces personnages, Lola (Anouk Aimée) semble être a priori la pierre angulaire mais rien n'est moins sûr car tout repose en fait sur le retour hypothétique de Michel. Reste que Demy donne son prénom au titre, reste encore que les regards sont irrésistiblement attirés par ce soleil dévorant l'attention. Lola es une danseuse douce, riante, rêveuse et plutôt honnête. Malgré cette fidélité, au moins au souvenir de son mari, elle exprime une très grande liberté, avec ce qu'il faut de fierté bien placée. Voilà un personnage assez moderne finalement! Je pense tout de même que le côté frivole et un peu nunuche qu'elle arbore faussement par instants, dans sa façon de s'exprimer, mais tellement proche des attitudes très sexuelles de l'époque (type Brigitte Bardot ou Mireille Darc) pourrait irriter certains. A n'en point douter, c'est que le personnage de Lola sait qu'elle est belle, qu'elle irradie de sensualité. Elle joue un rôle qui lui plait, il lui permet de cacher à peu près la douleur que lui inflige l'absence de Michel. Cette posture lui assure aussi de garder la tête haute et l'espoir.
Film sur l'amour, film sur l'espérance, film sur la vie, j'ai bien peur de ne pas en avoir suffisamment dit pour donner réellement la mesure de ce qu'il raconte de profond et de précieux. Sans doute faut-il que je le laisse m'imprégner un peu plus, que je le revois pour bien en apprivoiser toutes les facettes?

Mini trombi:
Marc Michel:

Jacques Harden:

Alan Scott:

Elina Labourdette:

Annie Duperoux:

Catherine Lutz:

Margo Lion:

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