lundi 1 septembre 2014

Portrait de monsieur Bertin



1832

Portrait de monsieur Bertin

Peintre: Jean-Auguste-Dominique Ingres
Musée du Louvre



Je commence à peine à entrevoir et donc à comprendre l'histoire de la peinture française du XIXe, le grand, celui qui part de 1789 et se termine en 1914. Les inscriptions de cette histoire dans la politique et ses innombrables enjeux socio-économiques commencent progressivement à prendre un trait plus sûr, plus identifiable dans mon esprit. De David à Courbet ou Daumier, je vois à peine se distinguer l'évolution de ces différentes écoles, mais ma médiocre culture historique de l'art me permet encore de jouir d'une certaine innocence, de l'avantage d'avoir un regard un brin "puceau".

Je peux encore regarder leurs œuvres avec un œil vierge de tous les conflits ou aspirations divergentes que ces artistes ont connu et qui ont fait l'histoire de leur art. Aussi, je puis me dire amoureux de ce bon gros Bertin sans en mesurer nettement les raisons. C'est donc à un jugement partiel, surtout sentimental, non élucidé, non rationalisé que je me livre ici.

Pourquoi s'arrêter sur cette toile? Je ne sais pas bien. Où va se nicher la beauté? Parce que je le trouve "beau". Je mets des guillemets car en l'écrivant, cette dernière phrase me choque... Non, cet homme n'est pas beau. Il est gros, engoncé dans ses vêtements. Sa pose n'est pas vraiment majestueuse. Sans être avachi, on ne sent pas un corps dans sa pleine acception idéalisée, triomphant de sa perfection naturelle. Disons que les apparences ne sont pas sa préoccupation première et ça se voit. Son regard n'interroge pas les cieux ni une quelconque transcendance. Ni physiquement beau, ni spirituellement élevé, ni extase, ni grâce, que nous raconte ce Bertin et qui pourrait expliquer que je le trouve malgré tout cela "beau"?

C'est peut-être parce que justement il ne ressemble pas à ce que l'on a l'habitude de voir que son incongruité, son exception apparaît comme belle, irradiante? Comme le punk que le no-future rend beau. Par provocation, par opposition fondamentale, par la nouveauté, la bizarrerie, la monstruosité? Il est vrai qu'il est difficile de le louper dans le Louvre. Il est parmi les autres, mais reste à part. Je ne vois que lui, il accroche le regard, c'est irrésistible. Qui est ce bon gros gars, au milieu de tout ce Louvre? Hé... est-il si bon finalement? Quel est ce regard dur? Bertin est-il punk ou freak, Bertin est-il un ogre qui avale tout ce qu'il y a autour de lui? Je ne suis pas sûr que ces analogies soient judicieuses. Ça parait léger. Mais que j'ose écrire toutes ces conneries prouve bien que je suis infoutu de comprendre ce ressenti bel et bien présent et que cela me perturbe. Cette toile produit un truc dérangeant et agréable en même temps.

Regarde le tableau, mon grand, et demande toi ce qui t'interpelle. Sa main droite et son regard, son gros visage qui exprime quelque chose de pas très nettement définissable, mais cependant de puissant. Voilà ce qui me plait, c'est d'abord cette main, comme les serres d'un rapace, qui dit l'opulence et le sentiment de sécurité, arrogant et presque agressif du personnage. Quand on suit ce bras et qu'on se prend ce regard dans la gueule, on croit bien qu'il confirme l'affirmation de la main : "Monsieur Bertin est riche, puissant, sûr de lui et il vous emmerde!" Je ne connais pas monsieur Bertin. Ca se trouve, c'est un bon gars, qui n'a pas vocation à écraser la vermine, mais que voulez-vous, je n'y peux rien, je vois ça et je ne peux m'empêcher d'être fasciné et épaté qu'Ingres ait pu peindre tout ça, que ce "tout ça" soit vu et ressenti de cette manière.

Plus encore, ce ressenti aboutit à quelque chose d'étrange. Là où je devrais être dérangé par la morgue du personnage, je suis en fait d'abord intrigué, puis amusé. Ça doit être l'âge du tableau, la grande distance qui nous sépare du vrai Bertin. Il ne reste que cette trace. Il a existé un Bertin qui se la pétait un peu et qui s'est offert un portrait d'Ingres pour faire le kéké devant ses autres copains bourgeois? Si cette histoire que je me raconte approche un peu la réalité, il y a de quoi sourire. On peut alors trouver amusante, presque émouvante cette tentative puérile et pleine de fatuité de s'imposer par l'image, alors que le bonhomme est mort et enterré depuis belle lurette. L'agitation du monde à courte-vue a un caractère comique qui m'émeut parfois. Comme un petit insecte qui s'acharne à vouloir entrer dans la lumière de l'ampoule. C'est le cas ici.

Je suis parfaitement conscient que cette interprétation, cette construction peut à tout moment voler en éclat sur la révélation de la vérité historique de ce portrait, mais peu importe, je crois bien que la sympathique vanité de monsieur Bertin m'a irrémédiablement attaché à l'image du bonhomme. J'en garderai sans doute un lien, même si j'apprends la modestie du personnage. Depuis deux ans, Bertin veille sur moi chaque nuit, sur ma propre arrogance, collé sur le mur près de ma table de chevet, en bon père, sévère, physique, monument de fausse sagesse, rappelant que l'on est si peu de choses finalement.

10 commentaires:

  1. « C'est peut-être parce que justement il ne ressemble pas à ce que l'on a l'habitude de voir que son incongruité, son exception apparaît comme belle, irradiante? Comme le punk que le no-future rend beau. Par provocation, par opposition fondamentale, par la nouveauté, la bizarrerie, la monstruosité? Il est vrai qu'il est difficile de le louper dans le Louvre. Il est parmi les autres, mais reste à part. Je ne vois que lui, il accroche le regard, c'est irrésistible. Qui est ce bon gros gars, au milieu de tout ce Louvre? Hé... est-il si bon finalement? Quel est ce regard dur? Bertin est-il punk ou freak, Bertin est-il un ogre qui avale tout ce qu'il y a autour de lui? Je ne suis pas sûr que ces analogies soient judicieuses. Ça parait léger. Mais que j'ose écrire toutes ces conneries prouve bien que je suis infoutu de comprendre ce ressenti bel et bien présent et que cela me perturbe. Cette toile produit un truc dérangeant et agréable en même temps. »

    …/…

    « je crois bien que la sympathique vanité de monsieur Bertin m'a irrémédiablement attaché à l'image du bonhomme ».

    « monument de fausse sagesse, rappelant que l'on est si peu de choses finalement. » PHILOSOPHIE A LA « MORDS MOI LE DOIGT »

    TOUT CE QUI PRECEDE EST DE VOUS : CELA S’APPELLE LANGUE DE BOIS OU MASTURBATION INTELLECTUELLE. C’est cela qui m’a déconcertée
    Plus que tout.

    Vous prenez avec une feinte modestie l’attitude du néophyte, ignare et lucide à la fois. C’est une attitude très déplaisante qu’il s’agisse d’une petite cuiller, d’un crucifié dont le pagne ne mérite pas les éloges que vous lui faites. Vous ne savez pas, vous ne décidez pas si Bertin est beau ou laid. C’est une commande, l’homme est directeur d’un journal (de droite, je suppose). C’est tout simplement « une chose bien faite » dont son capables les bons peintres et vous vous torturez pour savoir ce qui l’emporte ici (beau ou laid). La main n’a aucune beauté, les doigts sont boudinés et leur mollesse contredit la rigidité du regard. Il est sensuel, aime les plats faisandés abondamment arrosés. Il est tout le contraire de la délicatesse : le livre signé Gaëton Picon présente un dessin de Madame Bertin, femme obèse s’il en est et document vivant sur les coutumes alimentaires du couple .
    On parle des mains, quand on sait à quel point elles sont révélatrices. Là vous êtes complètement « out of focus ».

    Ingres pleurait en peignant Bertin, persuadé qu’il n’y arriverait jamais. Bertin le
    consolait.

    Finalement, Bertin, je m’en balance mais votre démarche baveuse tant elle est loquace, m’interpelle car je n’y reconnais plus votre sagacité habituelle.
    Ces mains sont celles des paysans de la peinture flamande, je vous invite à
    voir ces mains crispées de papes du Greco, qui traduisent les tourments qui les habitent;
    Plus près de nous Francis Bacon reprend ces papes dont les visages se perdent
    dans des tourbillons de peinture beige monochrome, seules leurs mains aux doigts fin sont articulées et crispées sur leur genou, expression de leur anxiété.

    Je pense que vous avez raison de vous intéresser à l’art, à aucun moment de son histoire l’art n’a été créé pour des historiens d’art et autres exégètes, mais pour vous et moi qui sommes tous néophytes (sans en tirer gloire) devant le tombeau des époux de Cerveteri ou une statue d’Henry Moore, je trouve bien osé de dépeindre un « ressenti » (le mot est atroce) qui ne nous apporte finalement
    que votre chambre à coucher !

    J’ai vu votre photo, vous ressemblez à Cazagemas, l’ami de jeunesse de Picasso.

    je tombe de sommeil : je vous ai consacré beaucoup de temps aujourd’hui, mais avant de revenir, il coulera beaucoup d’eau sous le pont Mirabeau.







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    1. "je trouve bien osé de dépeindre un « ressenti » (le mot est atroce) qui ne nous apporte finalement
      que votre chambre à coucher !"

      Comme à l'habitude vous maniez le raccourci, c'est dommage. Ça vous éloigne de la substance. Je suppose que quand vous lisez vous aimez à vous accrocher à un bout de phrase, même s'il ne dit pas la réalité qui vous convient. Ici vous avez accroché à la photo prise et accrochée au mur près de mon lit. Peu importe qu'elle y festoie avec un ébéniste de Georges de La Tour, deux jouvencelles de Botticelli, un Robert Le Pieux atterré de s'être fait excommunié, une vague d'Hokusai, la nuque de ma femme, St Pierre et St Jean marchant vers le St Sépulcre, comme autant d'images caressantes sur lesquelles je suspends chaque soir mon regard avant d'éteindre. Ailleurs, vous restez accrochée à une phrase que vous n'auriez pas écrite et que pourtant vous avez bel et bien écrite sur la chrétienté ("la chrétienté du Moyen-Age me fait peur : elle était militante") et vous échafaudez tout une logorrhée là-dessus, alors qu'il vous suffisait de vous relire pour que cela se calme. Il y a là une lecture épidermique que je ne comprends pas toujours. M'enfin, chacun sa route. Qu'importe le flacon, bla bla...
      J'imagine que cela peut être une explication du langage de sourd qui finit toujours par s'instaurer entre nous ou des malentendus comme celui-ci :

      "TOUT CE QUI PRECEDE EST DE VOUS : CELA S’APPELLE LANGUE DE BOIS OU MASTURBATION INTELLECTUELLE"
      Bien entendu que c'est de la masturbation intellectuelle. Mais en aucun cas de la langue de bois. Je suppose encore qu'il y aura toujours un gouffre d'incompréhension dès lors que vous n'aurez pas compris que le ressenti est beaucoup pour moi, bien plus que le "compris". C'est curieux d'ailleurs que vous le portez aux nues de ce ressenti, ces sensations, ces sentiments qui effleurent sans raison apparente, sans construiction de sens ou intellectuelles sur Zerkalo de Tarkovsky mais que vous me le refusiez sur un Ingres. Pourquoi donc il me serait interdit de me contenter si j'en ai envie, de l'image de Monsieur Bertin, sans connaitre la vérité du tableau, de son histoire alors que cela me serait autorisé sur un Tarkovsky? Figurez-vous que la nature m'a fichu un sacré foutu obstacle dans la citrouille, elle m'a fabriqué curieux, et tout petit déjà je voulais savoir ce qui se cachait derrière les choses! Aussi après avoir pondu cette bafouille baveuse, je suis allé me renseigner sur ce tableau, et j'ai appris ce que vous racontez, les affres de la création, l'opulence de Mr Bertin. Fort heureusement, cela ne change rien au ressenti premier. Bizarrement, je n'ai même pas eu de déception. Je m'en fous. J'ai mon Bertin, ma pensée, mon ressenti n'a que peu à voir avec la réalité d'Ingres et de l'Histoire, mais ce n'est pas grave. C'est un peu comme un conte. C'est un peu immature. J'en suis conscient. C'est un peu comme si je restais accroché à mon Bertin comme d'autres à leurs dieux vacillants, c'est question presque de foi. Je dis bien "presque", parce que je penche plus pour une question de plaisir. J'ai plaisir à revoir sa bouille, à cotoyer le Bertin que je me suis imaginé. Ce qui est réel, c'est bel et bien ce ressenti évoqué lorsque je le vis au Louvre, le premier choc, que je dois aux coups de pinceaux d'Ingres, indépendamment de toute la réelle histoire du tableau, du peintre, du mouvement artistique de son époque, de monsieur Bertin, de sa femme, de son entreprise ou de la façon qu'il avait de se curer le nez avec de si gros doigts boudinés. Le plaisir, le savoir et l'amour font l'essence de mon moteur. Ici Bertin s'occupe seulement de mon plaisir et je l'en remercie. Pour du savoir, j'ai la place ailleurs.

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  2. je vous lis avec plaisir quand vous parlez de cinéma, et c'est le cinéma qui m'occupe aujourd'hui.
    J'ai passé quarante ans à traduire des textes sur l'art et à fouiller le sens (ce que vous appelez "savoir") pour comprendre ces universitaires de Princeton et Yale.
    J'ai parlé à cet égard de Poussin. "Le massacre des Innocents" m'a demandé des recherches. Sans doute en connaissez-vous le sens, si vous êtes allé au catéchisme. A toutes fins utiles, voici ce que j'en retiens. Un Messie (de sexe mâle) était annoncé, aussi les Romains ont-ils assassiné des légions de bébés de sexe masculin. L’Histoire est intéressante, parce qu’ils n’ont pas mis la main sur le Christ, et que tout dans les trois siècles qui suivent va basculer. L’arrivée des Barbares à Rome, les progrès rapides de
    l’évangélisation en Europe.

    S'agissant de peinture, (j'utilise le mot "ressenti" qui est pour moi, non pas "compris", mais quelque chose de l'ordre de la réception affective), je vous l'accorde : elle est indépendante du contexte.
    L'idée de faire des lectures sur La Naissance de Vénus ou Le Printemps de Botticelli, ne m'a jamais effleurée tant ces "Nus dans le paysage", profanes, m’enchantaient.

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    1. "si vous êtes allé au catéchisme."
      Non, dieu merci. Je suis issu d'une famille de parpaillots pas vraiment croyants depuis ma grand-mère. J'ai été élevé dans l’agnosticisme le plus ouvert qui soit. J'ai dû suivre ma grand-mère au Temple quand j'étais petit, mais j'en ai eu vite marre. Et elle a eu la gentillesse de ne pas trop insister.

      "L'idée de faire des lectures sur La Naissance de Vénus ou Le Printemps de Botticelli, ne m'a jamais effleurée tant ces "Nus dans le paysage", profanes, m’enchantaient."
      C'est un peu ce qui m'intéresse aussi, la lecture de l'enchantement. C'est un peu de la masturbation intellectuelle comme vous dites, mais ce n'est pas grave. Pour être moins grossier, on pourrait dire que décrire son enchantement (son ressenti j'y tiens un terme plus ouvert, parce que cela peut être autre chose que de l'enchantement) est une manière bavarde de dire merci. Tout simplement. Comme une expression de joie.
      Par ex, Monsieur Bertin, malgré ses doigts boudinés et sa sale gueule... (sûrement même PAR ses doigts et sa sale gueule) me met en joie et je salue ici comme sur mon mur le travail d'Ingres et la magie de cette joie qui n'a pas forcément d'explication. Merci Monsieur Bertin!

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  3. (suite)

    Quand un tableau reste une énigme — comme le Poussin cité plus haut — je cherche à savoir. Ce que je viens de faire pour Monsieur Bertin (je ne l'aurais pas fait spontanément, s’il n’avait été une pomme de discorde entre nous) mais
    j'explique ma démarche (oui, oui : j'accroche à un détail et à mes yeux vous sauvez le mur de votre chambre avec la nuque de votre femme et la vague d'Hokusai: j'ai conservé le grand timbre poste qui représentait cette vague (mes différentes traductions sur Van Gogh — dont la meilleure est « Van Gogh en Arles » de Ronald Pickvance, éditions SKIRA m’ont conduite à aller chez Bing, ce marchand d’estampes japonaises dont s’est alimentée toute une génération de peintre, Degas compris) et vais l'encadrer généreusement.

    Recueilli pour comprendre pour Bertin :


    http://fr.wikipedia.org/wiki/Portrait_de_monsieur_Bertin

    (l'article est plein d'intérêt : les Odalisques n’ont certes pas fait pleurer Ingres)

    et ceci, cité dans le JOURNAL DES DEBATS :

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Journal_des_débats

    "Sous la Seconde Restauration, le Journal des débats fait partie des journaux conservateurs mais n'était pas réactionnaire. Devant l'attitude de Charles X et de son entourage ultra-royaliste, le Journal des débats évolue, dans les années 1827-1829, vers l'opposition libérale. S'il n'hésite pas à se montrer critique vis-à-vis de Charles X et du ministère Polignac, le journal, de par son importance même, ne pouvait toutefois entrer dans une opposition ouverte au régime comme celle que conduisait le journal Le National.
    …/…
    Pendant l'Occupation, le Journal des débats a continué de paraître. C'est ce qui lui a valu d'être supprimé à la Libération en 1944"

    Ce n'est pas "JE SUIS PARTOUT", c'est plutôt LE FIGARO.

    Nous aurons l'occasion, plus tard, de revenir sur la critique de cinéma à proprement parler. Elle est UNE AUBERGE ESPAGNOLE, càd qu'on y trouve ce que l'on y apporte et la subjectivité y est nécessairement de mise. Il est possible que j’écrive là une bêtise : il n’y a pas d’art sous quelque forme que ce soit qui ne s’adresse au néophyte subjectif que nous sommes et qu’il est bon de rester
    « les sons et les parfums montent dans l’air du soir
    Valse mélancolique et langoureux vertige… »

    (Enfin, réjouissons nous de nos différences. Savez vous, ou imaginez-vous, que j'ai l'âge de votre grand-mère ?…A cet égard, je suis aussi irresponsable qu'à 18 ans, aussi curieuse aussi, avec un acquit professionnel qui a sclérosé ou enrichi une partie de ma matière grise. Mais, sans infiltrations d’acide hyaluronique dans mes genoux je mettrais vingt minutes pour monter mes 2 étages à pied. J'espère que cette différence de génération ne vous dérange pas. Elle peut, peut-être, expliquer nos frictions. Ce dont je ne suis pas sûre)

    J'aborde un Dostoïevski qui m'a l'air passionnant. [A suivre …]



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    1. Non, vous n'avez certainement pas l'âge des mes grands-mères. La maternelle est morte il y a une bonne 20aine d'années et la paternelle touche les 94 ans!

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  4. Je ne suis pas conquise par ce que je lis, et je ne vois aucune raison de faire du prosélytisme en faveur de Fyodor que j’ai été seule à mettre sur le tapis :
    Je lis le journal d’un homme aigri qui avance des vérités discutables aujourd’hui.
    Le « souterrain » (underground dans sa traduction anglaise) n’est pas, comme
    Je l’ai lu « l’Inconscient ». Je vais quand même poursuivre (tout en regardant un film
    par jour).

    L’idée d’échanges par email, n’est pas bonne non plus. L’email peut, de ma part conduire aux catastrophes. Les sites dédiés au cinéma et à vos découvertes esthétiques conviennent parfaitement à nos échanges (je me tiens à carreau ! Ça ne se voit pas, vrai ?) . Néanmoins, je ne regrette pas de vous avoir donné mon adresse email: elle peut, un jour ou l’autre, avoir son utilité.


    nous ne parlons pas le même français: Le Botticelli qui est au Louvre (l'autre es aux Uffizzi de Florence)
    est un enchantement. Le constat est bref et signifie qu'on en a plein les yeux et qu'aucun livre ne
    peut rien vous apporter qui soit supérieur à la seule contemplation. La masturbation intellectuelle en revanche est ce mouvement mécanique continu qui agite votre essai du début à la fin, pour s'achever sur un orgasme inattendu : "nous sommes bien peu de choses !" AVEZ VOUS FAIT UN DIEU DE CET HOMME DE PRESSE ? Parlez pour lui, mais pas pour vous. On peut s'imaginer être une fourmi devant Jean Jaurès, pas devant le gros Bertin plein de soupe. Si Ingres a pleuré, c'est qu'il a eu du mal à mettre un soupçon d'humanité dans cette tête de lard et réussi son tour de force (commander son propre portrait pour l'accrocher dans l'entrée de son propre journal. Quelle humilité, seigneur !) Est-ce un AVC qui l'a emporté ? Assez épilogué, mais quand même, il y a tant de merveilles dans cette galerie (j'y allais le dimanche matin, avant la PYRAMIDE, parce que la rue du Bac se prolonge par le Pont Royal, et que là en trois sauts de puce on a gagné la Porte des Lions à l'extrémité de la grande galerie, évitant les touristes. A l'époque où j'y allais on commenaçait par voir des GOYA fabuleux). Je pense que tout est redistribué maintenant et je vais au Louvre pour des expos ponctuelles,
    je trouve les escalators très étroits (comme à l'Opéra Bastille).

    Le tableau qui m’a retenue très longtemps, seule au milieu d’une banquette (comme dans VERTIGO d’Hitchcock) : LE RADEAU DE LA MEDUSE de Géricault (qu’il faut se dépêcher de revoir car le goudron continue son travail de désagrégation) où des vestiges
    Humains indiquent qu’on s’est livré à l’anthropophagie. J’ai vu les têtes de décapités de
    Géricault au musée des B-A de Besançon, et au musée d’Orsay une rétrospective complète avec des peintures de chevaux sublimes.

    Je dois avouer que ma formation en histoire de l’art a commencé à 16 ans.
    J’ai découvert pour amour pour la peinture à la National Gallery de Londres
    Et tous les musées de peinture de cette ville.

    Après quoi j’ai été « jeune fille au pair » dans des pays étrangers (dont les USA) où j’ai écumé les Musées. Ensuite avec l’argent gagné dans une galerie de tableaux bd Haussmann, j’ai passé un mois à Venise. En 66 trois mois à Florence, ou j’ai travaillé chez un antiquaire pour touristes et donné des leçons de français dans une ambassade.
    C’est pourquoi, avec un écrit d’agreg d’anglais je ne pouvais rien faire de mieux que traduire des textes sur la peinture : j’étais chez moi. Mon premier client fut le Centre Beaubourg ?

    Ça suffit comme ça, Mélusine !

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    1. "Néanmoins, je ne regrette pas de vous avoir donné mon adresse email: elle peut, un jour ou l’autre, avoir son utilité."
      Pas de souci à avoir avec le mail, il n’apparaît pas sur les commentaires. Doit y avoir un procédé qui élimine automatiquement les adresses mail. De fait, je n'ai pas votre mail. Mais effectivement, je n'en ai pas l'utilité.

      "nous ne parlons pas le même français: Le Botticelli qui est au Louvre (l'autre es aux Uffizzi de Florence) est un enchantement."
      Quand je parlais des jouvencelles de Botticelli dont les visages montrent leur morgue adolescentes sur mon mur, ce sont bien celles du Louvre. J'aime beaucoup cette fresque. Je suis moins touché par les oeuvres plus connues comme Le printemps. Il y a sur cette fresque du Louvre quelque chose de Pasolinien, d'indéfinissable encore dans ma tête, mais elle me plait... sa vie peut-être, sa grande modernité, les demoiselles sont vivantes, des personnalités à part entières.

      "on a gagné la Porte des Lions à l'extrémité de la grande galerie, évitant les touristes. A l'époque où j'y allais on commenaçait par voir des GOYA fabuleux). Je pense que tout est redistribué maintenant et je vais au Louvre pour des expos ponctuelles,"
      Oui, je passe toujours pas Le pavillon des Sessions. On entre alors dans Le Louvre en moins de trente secondes. Par la pyramide, c'est la demi-heure, voire trois quart d'heure de queue sûre et certaine. En plus le pavillon des Sessions et ses chefs d’œuvres d'Arts premiers est un endroit divin. M'enfin le grand escalier sur la droite en sortant de la grande entrée permet d'éviter les Arts premiers si l'on n'en a pas envie. Le problème de cette entrée, c'est qu'elle n'est pas toujours ouverte. Il y a deux ou trois jours de la semaine où elle est fermée.

      "J’ai vu les têtes de décapités de Géricault au musée des B-A de Besançon, et au musée d’Orsay une rétrospective complète avec des peintures de chevaux sublimes.
      Je suppose qu'il s'agit des peintures qu'il a faites lors de son séjour au Maghreb. Certaines sont visibles au Musée Fabre à Montpellier. J'ai encore un peu de réticence vis à vis de Géricault. Je n'y suis pas encore habitué. Ça vient, petit à petit. Au musée Fabre, il y a aussi des dessins, des travaux d'approche, notamment de pieds, de mains, si mes souvenirs sont bons. J'ai cru entendre qu'il avait des difficultés avec les pieds, et qu'il a fait ce qu'il a pu pour éviter de les peindre sur le radeau (chaussettes ou cachés).

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  5. Je viens d'installer comme fond d'écran, le portrait de Simonetta Vespucci de Piero di Cosimo.
    (Il y a quelques années j'ai scanné la totalité du carton à chaussures où arrivaient les cartes postales ramenées de voyages). Simonetta m'enchante sous les perles qui ornent sa coiffure et le serpent qui lui entoure le cou (une évocation de Cléopâtre et de son suicide). N’oubliez pas que je suis une femme, la vanité ne m'est pas étrangère. Mais je ne peux pas le joindre à ce commentaire. Parmi les peintres que j'aurais sur mes murs s'ils n'étaient pas dans les musées : les batailles navales de Turner et les tableaux romantiques de Gaspard David Friedrich —couple contemplant le coucher du soleil ;
    l'homme vu de dos, une fois devant une fenêtre étroite et haute, une autre fois face à la mer au crépuscule. Je suis incapable de faire le catalogue de tout ce qui m'a longtemps gardée devant un tableau. J'aime aussi plus près de nous "l'âme du Morvan", produit de bricolage, à partir d'un sarment de vigne par Dubuffet. Je connaissais par goût toute la peinture anglaise du 18 e siècle (Gainsborough, Reynolds, Hogarth, entre autres) qui m'a fait entrer de plain pied dans Barry Lyndon.
    Je n'ai jamais fait à propos d'un visage le travail d'interprétation pénétrante que vous faites de Monsieur Bertin, sinon
    pour les portraits d'homme de Raphaël. Il y a chez lui un visage frêle et émouvant qui est l'image d'un
    homme auquel une part intérieure de moi s'identifie. Au musée de Hambourg, j'ai été tirée de ma rêverie devant un tableau d'Edvard Munch, dont il existe plusieurs versions : LE CRI. J'étais entrée au musée
    à 10 heures, il était 17 heures, je n'avais pas songé à manger, tant la peinture m'avait absorbée. Plus rien n'existait plus sinon cette restitution en trois dimensions sur une surface plane. Aucun tour de force ne ressemblait au précédent : la perspective optique me bouleversait et, à ma grande joie, m'a préparée plus tard à l'étude de la peinture de la Renaissance.
    Sur google images, voir PIERO DI COSIME SIMONETTA VESPUCCI
    Et G. D. FRIEDRICH (les 3 premières rangées)
    Pour TURNER , la première pages montre cette peinture que Monet et Pissarro découvriront à Londres où ils sont exilés à l’époque de la Commune qui aura une importance décisive sur Monet en particulier. A la première exposition de groupe
    Chez le photographe Nadar, Monet présente un tableau intitulé : « IMPRESSIONS, SOLEIL LEVANT » de là le néologisme d’un journaliste pour décrire l’exposition :
    « LES IMPRESSIONNISTES », terme qui leur restera malgré les différences
    techniques et idéologiques des uns et des autres (Pissarro est complètement à gauche, Degas complètement à droite).

    J'oublie toute une population de peintres, de Léonor Fini à … Z

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  6. Ayé, j'ai trouvé la clef qui me manquait pour être sûr d'avoir bien compris l'espèce de sympathie et de fascination que j'ai eue pour ce portrait! Je lis depuis plusieurs mois L'histoire du corps sous la direction d'Alain Corbin, j'en suis au deuxième tome (le grand XIXe siècle) et dans le chapitre sur les images sociales du corps où sont évoqués les caricaturistes, je trouve sous la plume de Ségolène Le Men quand elle travaille sur la figure de Robert Macaire ces quelques lignes qui font immédiatement sens à mes yeux :
    -"C'est la bourgeoisie, sous le règne du roi bourgeois, qu'a stylisé le personnage de Robert Macaire (comme Ingres l'a fait dans le portrait de Monsieur Bertin, perçu comme une caricature par son commanditaire, directeur du Journal des débats), tout en offrant à quelques années de l'essor de la littérature physiologique, la vaste panoplie des conditions sociales et des métiers contemporains dont Daumier et Philipon dressent la galerie."-
    Le fait que quelqu'un d'autre que moi, quelqu'un d'autrement plus sérieux dans son analyse, aborde le portrait sous le terme de la caricature me rassure. Il s'agit bien de cela, d'une caricature, une image destinée à moquer, à faire sourire, à apprivoiser en même temps que fustiger. Les gros doigts boudinés, la face fermée, la morgue, la posture, tout est ricanement, le personnage est ridicule et pitoyable. J'ai pitié. Je le trouve touchant de faiblesse.
    Encore une fois, cela ne fait pas du personnage quelqu'un de sympathique non plus, c'est une image. L'émotion que me procure cette image n'aboutit pas à de la sympathie, c'est plus compliqué que cela. L'idée que cet homme a cru bon de se faire portraitiser dans cette pose, avec cet air hautain m'enchante, me parait le summum de la faiblesse humaine, la vanité du personnage me fait sourire.
    C'est une image, une caricature, forcément, elle touche, elle fait sourire.
    Et maintenant pour moi, elle fait partie d'une histoire, celle du XIXe, de Daumier, Philipon et les autres.

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