jeudi 30 mars 2017

Seuls les anges ont des ailes



1939

Titre original: Only angels have wings
Titre francophone : Seuls les anges ont des ailes

Cinéaste: Howard Hawks
Comédiens: Cary Grant - Jean Arthur - Rita Hayworth - Thomas Mitchell

Notice SC
Notice Imdb

Vu en blu-ray

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Très belles rencontres que nous offre à voir Howard Hawks sur ce film. D'une simplicité et d'une force peu commune. Très étonnant. Charmant mélange.

Le personnage jouée par Jean Arthur, caractère féminin fait de ce moule hawksien, de puissance et de vulnérabilité qui ravissent le cœur des hommes n'entre pas en boule dans un jeu de quilles. Bien au contraire, elle se fond dans le décor avec élégance et sourire. Il devient dès lors évident qu'elle ne pourra plus prendre son bateau.

Dans ce monde masculin, où les amitiés se scellent sous le regard entendu des hommes d'honneur, où péril rime avec viril, la mort rôde et maltraite les sentiments. Les fidélités sont indéfectibles, la bravoure une parure du matin jusqu'au soir et l'amour un danger bien plus blessant qu'un avion qui s'écrase.

C'est aussi un film de groupe, de solidarité indéfectible, qui fait sens à la vie. L'esprit communautaire y est décrit comme unitaire, nécessaire. On pourrait penser que l'année de sortie 1939 suggère que cette union sacrée des hommes autour d'un objectif commun, autour d'une activité vitale faisant tourner une partie de l'univers est annonciatrice des efforts qui vont être concédés pour lutter contre le mal fasciste en Europe. C'est d'abord trop grossier pour être honnête, mais ce serait mal connaitre Howard Hawks qui a toujours plus ou moins aimé dépeindre des mondes ainsi rassurés par la puissance du collectif mâle. Alors concédons que ce film donne un petit air du temps, inspiré par la crainte effectivement justifiée que suscite cette haine de la vie en Europe au moment de sa sortie.

Les thèmes que ce film aborde sont nombreux. Ils apparaissent par surprise. Finement, Hawks enrichit sa mise en scène d'images parfois superbes.  Regarder ce film en blu-ray Criterion est un grand moment de cinéphilie, une expérience grisante. Le travail de Lionel Banks sur les décors d’abord est représentatif de ce type d’efforts hollywoodiens à transfigurer un bête studio en un univers à part. Bien sûr qu’on voit l’artificialité du dispositif, le carton-pâte, mais on l’oublie. On entre dans ce film, cet espace limité par les brumes comme dans un lieu hors du temps, un espace clos mais sacré où tout est possible. L’adhésion se fait par l’image et le jeu des acteurs. Les décors sont écrins. Les bijoux sont les comédiens.

Pourvu d’acteurs à la réjouissante épaisseur il parvient à combiner tous ses éléments pour créer un spectacle rare.

Cary Grant
malgré un pantalon qui lui remonte jusqu’au nombril, jacqueschiraquien en diable, promène sa carcasse avec une gravité due à sa fonction. Du haut de son expérience, il représente l’autorité. A priori, on serait tenté de dire qu’il y a erreur sur la marchandise au départ, que Cary Grant n’a pas sa place ici. En fait, il parvient très facilement à apprivoiser son personnage, à le rendre crédible. Justement, sa subtilité naturelle fait merveille pour donner au rôle une part de fragilité suffisante pour qu’il tombe enfin dans les pattes de Jean Arthur.

Rien d’étonnant à ce qu’il fut amoureux de Rita Hayworth.
 Robert Kalloch, en charge des costumes, a très bien fait son boulot. Il met superbement en valeur le corps voluptueux de la belle Rita pour incarner la beauté sensuelle. Certes ce personnage est l’opposé de Jean Arthur, elle est la féminité exacerbée, le sexe, la tentatrice, la vamp. Mais attention, le scénario nous épargne tout de même une vision trop conne et moraliste dans laquelle Jean Arthur un peu garçonne mais à la fragilité féminine serait l’éternelle brave fille qu’on épouse alors que Rita Hayworth figurerait la vile salope qu’on baise et qui vous brise le cœur. C’est fort heureusement plus complexe que cela. Rita Hayworth a grandi, comme de son côté Cary Grant, leur histoire commune appartient au passé. Leur relation n’aboutit pas à un jugement moral massif. En conclusion adulte et dépassionnée, les deux ex-amants s’entendent. Quelque part, leur histoire leur a permis de construire quelque chose de plus sûr et même touchant avec de nouveaux partenaires.

Je m’en voudrais de ne pas terminer le rapide passage en revue des acteurs sans dire un mot de Thomas Mitchell.
Voilà un acteur qu’on connait tous, qu’on a vu par-ci par-là dans des petits rôles d’accompagnement, dont la trogne nous est familière et dont on oublie à chaque fois le nom. Pourtant, il est bien plus qu’un simple visage ; il est un très grand acteur, un superbe second rôle, dont il faut absolument saluer la parfaite composition. Toujours très émouvant, Thomas Mitchell l’est ici peut-être plus qu’ailleurs. Il joue là un rôle central, faisant tampon entre Grant et Arthur, dans un personnage un brin bourru, encore en deuil de son frère. C’est un beau rôle, compliqué et qu’il tient avec toujours autant d’aisance, de simplicité, de sobriété. J’adore cet acteur.

Malgré des apparences de film d’ambiance, d’aventure, jouant sur un certain suspense d’action, le film est avant tout un film romantique, avec tout ce que cela signifie de codes du genre à respecter, dans le rythme, les ruptures, l’évolution chaotique de la relation amoureuse.
L'émotion atteint son paroxysme dans une scène organico-lacrimale, où une pièce de monnaie en dit plus qu'un long discours. Très hawksienne. Les mots sont à double sens, les gestes aussi. Le film combine tellement de facettes qu’il n’est pas dur d’y déceler un petit diamant. Très grand, bien bâti, pour durer éternellement.

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